Il pleut à verse. Je remplis mes sacoches, enfile un poncho et
je pars pour... 1Km. Il y a un bug, je touche les sacoches arrière à chaque tour
de roue. Le vélociste me les règle, et cette fois-ci, je pars pour
Thorigné, 31 Km d'après Google. Je retrouve le canal d'Ille et Rance.
Belle prouesse technique que ce canal. Construit en surplomb de la
rivière Ille, tous les petits ruisseaux de la rive droite s'y jettent
dedans et à intervalle régulier, le trop plein du canal se déverse rive gauche dans la rivière. Les ingénieurs ont bien travaillé. Dommage que ce canal ait été obsolète avant sa mise en eau et qu'il ne serve plus maintenant
qu'à la navigation de plaisance en été. Un sourire en coin, je pense à mes architectures
informatiques, constructions encore plus éphémères, encore plus obsolètes. Elles ne feront même pas le bonheur d'un passant dans 180 ans.
Mon parcours sur le chemin de halage vire au gymkhana. Au départ, j'ai essayé de contourner les flaques d'eau et comme ce n'était plus possible, de lever les pieds quand je les traversais et comme ce n'était plus possible non plus, je me suis résolu à pédaler dedans. Une moyenne de 15Km/h en pédalo, ce n'est somme toutes pas si mal. Je passe par toutes les nuances de crachins. Je suis sûr qu'il y a une bonne cinquantaine de mots pour désigner "crachin" dans la langue bretonne, les esquimaux en ont bien 100 pour désigner "neige".
En tous cas, mon poncho et mes sur-chaussures sont étanches. Mon départ pour le périple est pour mercredi. Je suis bien équipé. Ah non! A Betton, je dois bifurquer, hésite, reviens sur mes pas, essaie une route, reviens encore en arrière et trouve mon chemin. Je comptais sur la fonction GPS de mon smartphone tout neuf pour ce genre de cas mais mon abonnement 3G ne commence que le 7 février.
Ca fait une semaine que je pédale à la campagne et tout à coup je me retrouve en ville, pire, en banlieue avec des routes non numérotées, des rues qui ne vont nulle part, des autoroutes, des rondpoints. Je me fie à la carte google que j'ai imprimé sur du papier buvard et qui commence à ressembler à une éponge et arrive sur la lune : au bout d'un chemin creux, une zone industrielle entièrement asphaltée, avec un Décathlon, un bricoquelquechose, des marchands de pizzas en plastique, des bagnoles, l'horreur. En plus, la nuit tombe. J'allume mes deux phares arrière, mets ma frontale et suis les petits panneaux "Rennes à bicyclette", jusqu'à ce que je décide ne plus les suivre. Bonne idée, je suis bien à destination, chez ma soeur, du moins là où elle habitait il y a 20 ans. "Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins..." chantait Reggiani. Je continue sur ma machine à voyager dans le temps et retrouve mon chemin. 40 Km au lieu de 31. C'est l'époque des soldes, j'ai eu une promo de 30%. Bonne affaire.